Voix de Traverses n° 53

40 ans : un miracle d’être toujours là !

Il y a 40 ans il fallait faire la manche en musique pour payer le loyer de l’appartement de la « maison jaune », remplir le poêle aux aurores pour avoir chaud la journée, passer des heures au téléphone pour coordonner les quelques bonnes volontés qui accompagnaient les demandeurs d’asile à la Préfecture.
Aujourd’hui nous sommes, toujours à portée de tram, dans des bâtiments rénovés et fonctionnels, et dans diverses salles prêtées par des paroisses au centre de Strasbourg.
Nous comptons pour l’instant six salarié.es représentant 4,5 temps plein, et près de 250 bénévoles.
Subventionnés fidèlement par la Ville de Strasbourg et des collectivités locales, par l’UEPAL et Caritas, et recevant de nombreux dons de particuliers, de paroisses et d’organismes divers, nous travaillons au sein d’un réseau dense d’autres organisations partenaires, avec des échanges constants et cordiaux. La demande d’asile a fluctué selon les années, mais les places d’hébergement se sont multipliées, autant d’occasions de se réjouir.
Pourtant les motifs d’inquiétude ne manquent pas : notre existence financière est toujours très précaire
et menacée, nos budgets en déficit constant, empêchant la stabilisation des contrats de travail de plusieurs de nos salarié.es, des recrutements à la hauteur des besoins, et la gratification des stages longs, un apport très apprécié dans nos équipes. Il a même fallu il y a quelques années, réduire la voilure, car nous avions compté jusqu’à 8 salarié.es au meilleur de notre forme. La politique actuelle de financement par projets au détriment du fonctionnement quotidien, oblige notre directrice à déployer des trésors d’ingéniosité dans les recherches de fonds, et à sans cesse lancer de nouvelles actions ne pouvant pas toujours être poursuivies dans la durée.
Enfin, alors que nous remplissons une tâche qui devrait être assurée par l’État, nous n’en tirons que très peu de reconnaissance…. ce qui nous permet une indéniable indépendance ! Cette année particulièrement nous sommes très près de devoir mettre la clé sous la porte, faute de ressources suffisantes pour équilibrer notre budget 2023, après avoir essuyé plusieurs refus de nouveaux subventionneurs sollicités.
De plus en plus nous courons après le moindre euro pour réaliser nos actions d’aide juridique, d’enseignement linguistique et d’animations pour un public ayant désespérément besoin d’une oreille attentive, de chaleur humaine, et de moments de répit dans sa vie d’une précarité quotidienne et pleine de l’angoisse du lendemain.
Mais surtout, environ la moitié des demandeu.r.ses d’asile n’étant pas hébergés, nous ne les suivons plus que pour leurs recours. C’est une réelle perte de chance, car dans un temps limité, il faut construire une relation de confiance tout en reprenant complètement leur récit avec eux, apportant des précisions et développant des arguments dans un texte que nous découvrons. De plus la législation qui leur est appliquée, ne cesse de changer dans un sens de plus en plus restrictif.
À cet égard les discussions actuelles au sein du Parlement au sujet de la loi Darmanin, sont totalement affligeantes, démontrant une méconnaissance des problèmes du terrain, et une montée dans toute l’Europe de peurs fantasmées, de repli sur un confort aveugle, et d’indifférence complète
pour les droits humains. Le discours se veut plus électoraliste que pragmatique et les sommes dépensées dans le rejet et l’exclusion seraient bien plus bénéfiques, même économiquement, à être employées dans l’accueil et l’intégration. Cependant, nous n’avons jamais baissé les bras et grâce à la présence stable, patiente et souriante de notre directrice et de notre coordinatrice, nous avons jusqu’à présent su franchir les écueils.
Alors malgré toutes ces inquiétudes, nous voulons fêter ces 40 ans d’existence. Notre souhait serait
plutôt de devoir plier bagage, faute d’utilité dans les années qui viennent, mais c’est là une utopie, alors que nous risquons bien de devoir le faire faute de ressources suffisantes. Alors souhaitons-nous juste de pouvoir continuer à être résilients et toujours aussi nombreux à se sentir concernés par le sort de ceux qui sont dans l’obligation de s’arracher à leurs racines pour fuir les persécutions. Et souhaitons aussi un miracle de plus parmi ceux qui ont souvent émaillé la vie de CASAS, afin de pouvoir recueillir suffisamment de financements pour boucler cette année 2023 et pouvoir continuer notre travail.
Nous vous invitons à nous rejoindre pour fêter nos 40 ans le samedi 13 avril prochain en fin d’après-midi et soirée au foyer Mélanie, 4 rue Mélanie à Strasbourg Robertsau, pour de nostalgiques mais joyeuses retrouvailles !

CASAS - Voix de traverses n° 53