Inquiétudes…
Au moment de rédiger mon premier éditorial comme nouveau Président de notre association, j’aurais évidemment préféré parler d’optimisme (si seulement CASAS n’avait plus de raisons d’exister !). Le vécu de CASAS sur l’année écoulée ne manquerait pas, malgré tout, de raisons de se réjouir : l’efficacité et l’engagement exemplaire de nos salariés et de tous les bénévoles qui ne ménagent pas leur temps, la magnifique fête de nos 40 ans n’en sont que deux exemples.
Mais comment parler d’optimisme dans le contexte actuel ?
Alors, oui, malheureusement, une fois de plus, le mot qui s’impose est INQUIÉTUDE.
Inquiétude face au début de la mise en application de la loi Darmanin : délais de plus en plus courts pour traiter les dossiers ; risque accru de délivrance d’une OQTF [1] dès le rejet initial par l’OFPRA alors qu’un recours est déposé à la CNDA ; régionalisation de la CNDA, à Nancy pour ce qui nous concerne (mais pas pour tous les dossiers, selon des critères non explicites à ce jour), posant la question de la disponibilité de nouveaux avocats et du potentiel manque d’expertise de nouveaux magistrats ; généralisation du juge unique augmentant la part de l’arbitraire et actant la disparition de l’assesseur nommé au titre du HCR ; etc., etc.
Inquiétude aussi face aux prises de position du nouveau Ministre de l’Intérieur qui ne conçoit les questions liées à l’immigration (oui, il y en a, mais probablement pas celles rabâchées à longueurs d’antennes) que via le prisme biaisé de l’insécurité et exploite de la manière la plus rance possible un fait divers tragique (comme nos voisins allemands malheureusement), alors qu’un procès en cours est là pour attester que les horreurs ne sont pas l’apanage des « étrangers »... Comment peut-on croire qu’externaliser le traitement des demandes d’asile dans des pays tiers peu scrupuleux en matière de Droits Humains, en violation flagrante de l’esprit de la Convention de Genève, est une réponse adéquate à apporter à des personnes victimes de persécution ? La volonté affichée de déposer une nouvelle loi incluant des mesures censurées par le Conseil Constitutionnel de la loi Darmanin, ou de les faire passer par ordonnance, n’est évidemment
pas de bon augure et ne présage rien de bon pour un accueil digne de personnes fragiles qui échouent à Strasbourg après un parcours en général très traumatisant.
Inquiétude, étonnement et, plus encore, indignation face à l’affirmation que toutes ces mesures sont indispensables pour répondre « à l’attente des Français » alors que plusieurs sondages d’opinions récents indiquent que le sujet de l’immigration est loin d’être la préoccupation première de l’ensemble de nos concitoyens [2].
Monsieur le Ministre, si vous êtes si sûr de vous, nous vous invitons à donner une suite favorable à la suggestion d’organiser une Convention Citoyenne sur l’Immigration permettant un débat serein, plutôt qu’un aléatoire référendum (a priori inconstitutionnel) dont la formulation de la question risque d’introduire un biais certain !
Inquiétude aussi face au projet de loi de finances 2025 qui laisse augurer une nette dégradation des conditions d’accueil, avec en particulier une diminution des crédits alloués à l’ADA [3] et des places d’hébergement d’urgence alors qu’une bonne moitié des demandeurs d’asile sont sans solution d’accompagnement.
Alors, que faire ? Continuer néanmoins de traiter avec le maximum d’humanité les personnes qui s’adressent à nous. Surtout ne pas baisser les bras, ne pas abandonner, continuer inlassablement à
accompagner à notre niveau avec nos faibles moyens les femmes et les hommes qu’un destin tragique a mis sur notre chemin.
… Nous sommes tous des réfugiés / Sur cette Terre qui est notre Terre
Qu’il faudra bien un jour partager / Avoir des droits, avoir un toit
Essayons un jour l’amour … [4]
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